Il y a des films qui arrivent à prendre les neurones de votre cerveau, à les broyer, et transforment votre psyché en un magnifique champ de bataille que vous devez partager avec les gens autour de vous. Qui profiterait de ces pensées qui tournicotent dans votre crâne et vous bouffent toute autre information qui peut servir dans la vie ?(du genre les cochons ont un orgasme de trente minutes et le roi birman Nandabayin est mort de rire en apprenant que Venise était une République) Tel un secret trop lourd à garder, il faut en parler, le faire découvrir aux autres pour pouvoir en reparler par derrière.
Pourquoi je parle de ce type de film si particulier? Parce que je viens d'en voir un. Un classique même. Ce genre de film où tu as honte d'avouer que tu ne l'a pas vu, et du coup on te regarde avec de grands yeux en disant (en hurlant plutôt) : « QUEWAH ! T'as pas vu [insère ici le titre de film ultra culte que même Oussama Ben Laden les a vu dès leur sortie en salle. Et il vivait dans une grotte. C'est dire si c'est culte]. »
Pourquoi je parle de ce type de film si particulier? Parce que je viens d'en voir un. Un classique même. Ce genre de film où tu as honte d'avouer que tu ne l'a pas vu, et du coup on te regarde avec de grands yeux en disant (en hurlant plutôt) : « QUEWAH ! T'as pas vu [insère ici le titre de film ultra culte que même Oussama Ben Laden les a vu dès leur sortie en salle. Et il vivait dans une grotte. C'est dire si c'est culte]. »
Après, de
relativiser je me dois. Parce que bon, des films comme Star Wars,
Titanic, Le Seigneur des Anneaux... TOUT LE MONDE LES A VU. Ou du
moins les connaît. En gros, c'est quasi impossible de passer à côté
de ces films tant l'entourage vous bassine avec. Là, le classique so
classy (j'aime la redondance) dont je vous parle, c'est un classique de chez classique...
Pas connu par tout le monde. Je ne dis pas que [accent patate chaude
comme d'habitude] « c'est un film réservé à l'élite
cinématographique. »
Non. Faut pas déconner. Mais chez
les pointilleux, et tout ceux qui aiment voir du bon whatzephoque des
familles, il est classique.
Je ne sais pas si
vous avez remarqué, mais ça fait un moment que j'en
parle de ce chef-d’œuvre ABSOLU et pourtant, je n'ai pas dévoilé ni le titre, ni le nom du réalisateur. Je continue mon petit
jeu de devinettes ? Oui ? Non ? Oui ? Non ? Bon allez, je
vais vous parler du film de ouf malade que j'ai vu. Ce film c'est,
c'est, c'est :
LE
LOCATAIRE
de Roman Polanski
Déjà au nom du réalisateur, on sait que ça va être bon. OUI
C'EST BON POLANSKI ! QUI A DIT QUE ÇA VIEILLISSAIT MAL ?
Scusez moi, je suis un tantinet émotive en ce moment. On ne touche pas à Roman. Ou alors avec classe. Alors pour commencer, il
faut savoir que c'est une adaptation d'un roman. Par Roman.
Calembour. Ça c'est fait. Je disais donc, ce roman est de Roland
Topor. Mais qui est donc ce curieux personnage ? Tout simplement
un des créateurs de Téléchat. Et de la série Palace. Pour les
ptits jeunots, vous n'avez qu'à aller sur Youtube voir un peu. Les
plus vieux comprendront et apprécieront. Topor, comme à son
habitude, nous livre un roman tordu. Entre le drame et la comédie,
l'horreur et le suspense. Et ça, Popol (oui j'appelle Polanski
Popol. Ça lui donne un capital sympathie des plus extravagants.), le
retranscrit bien. Mais ça, vous le verrez au fur et à mesure de
cette ô combien merveilleuse critique.
Le pitch de départ est tout
simple. Trouver un appartement c'est dur. A Paris, encore plus. Et
quand on est un immigré polonais, je ne vous raconte pas la galère.
Mais notre héros y arrive lui. Monsieur Trelkovsky reprend l'appartement
de Mademoiselle Simone Choule qui s'est suicidée peu de temps avant
en se jetant par la fenêtre. Notre héros tout joyeux qu'il est
d'avoir de quoi se loger déchante au fur et à mesure. Non seulement
il a un magnifique vis-à-vis sur la fenêtre des toilettes de
l'immeuble (rappelons-nous avec émotion ce temps où les WC étaient
communes partout et pas que dans quelques résidences étudiantes) où
ses voisins passent des heures debout sans rien faire, mais en plus
il ne peut pas se mouvoir sans que l'on lui signale qu'il fait trop
de bruit. On cogne au-dessus, on rouspète en-dessous, on frappe à
la porte.. Bref, des voisins très énervants. Trop même. Mais là
où cela commence à déranger franchement notre pauvre héros, c'est
quand on le compare à l'ancienne locataire, Simone Choule :
elle mettait des chaussons pour se déplacer, elle prenait un
chocolat avec deux tartines au beurre, un paquet de Gauloises Bleues... Tu
penses que ce ne sont que des détails insignifiants mon canard ?
Détrompe-toi. Ce sont ces infimes détails qui vont faire de la vie
de Trelkovsky un enfer. Ces petits détails (on insiste bien sur ce
mot : dé-tails), ne sont pas seulement des remarques. On impose
la personnalité de Simone Choule à notre pauvre polonais. Finies
les Marlboro, bienvenues aux Gauloises Bleues. Adieu café, bonjour
chocolat et tartines au beurre. Il faut dire que le héros n'arrive
pas à s'interposer. Timide, renfermé sur lui-même, il accepte sans
trop rechigner. Mais il faut avouer qu'il est plus que timide: il est
carrément effacé, sans personnalité. Ses « amis » sont
juste des gens qui profitent de lui, qui aiment le pouvoir qu'ils
exercent sur lui. Et lui, ne dit rien. Il s'excuse. Point. Le genre
de type à qui on voudrait mettre des baffes bien fortes histoire de
le réveiller.
Mais comme tout le monde, un jour arrive où l'on n'en peut plus.
Trop, c'est trop . Là ce ne sont plus des agressions quotidiennes,
c'est carrément un complot ! Sinon pourquoi le tenancier
s'obstinerait-il à lui servir un chocolat et des tartines avant même
qu'il ne commande ? Pourquoi il n'y a jamais de Marlboro mais
toujours des Gauloises? Et pourquoi ses voisins passent-ils
leur temps aux toilettes, debout, regardant droit vers sa fenêtre ?
Et si Simone Choule s'était suicidée pour échapper à cela ?
Et si elle savait quelque chose sur ses voisins ? Et si les
voisins avaient tué Simone Choule ? Ça en fait des questions
hein? Et dites vousi que l'on pourrait en rajouter.
Pourquoi y a-t-il une dent coincée dans le mur derrière l'armoire?
Que signifient les hiéroglyphes gravés sur un mur des toilettes ?
Vous l'aurez compris, on oscille entre la paranoïa et le complot TOUT
LE TEMPS. Mais quelle est la vraie version ? Le problème avec
ce film est que, dévoiler la réalité c'est révéler la fin. Donc
pour ceux qui ne l'ont pas vu, je vous conseille d'arrêter votre
lecture ici et de revenir quand vous l'aurez visionné. Pour ceux qui
lisent de travers et ne verront pas l'avertissement :
SPOILERS
Oui, spoiler au pluriel. C'est dire si il y en a des révélations.
Toute la magie de ce film est de perdre le spectateur. Certains,
comme moi, refuseront de voir la folie du personnage principal et
resteront jusqu'au bout sur un complot. Plusieurs éléments
permettent d'étoffer cette thèse pourtant. Pour vous dire, même
lorsque le héros voyait les visages de ses voisins se transformer en
démons, l'exécution dans la cour, les inconnus qu'il croise qui se
révèlent être ses voisins, j'étais persuadée qu'il s'agissait
d'un complot de forces maléfiques. Pourquoi ? Parce que je me
référais à son autre chef-d’œuvre : Rosemary's baby. Tout
simplement. Tout comme Trelkovsky, je ne voulais pas croire au fait
qu'il plongeait dans la folie. Trop d'indices menaient au complot.
Mais si on y réfléchit bien, trop d'indices menaient à cette
conclusion terrible : les détails de la vie quotidienne peuvent
faire perdre la raison à un homme. Ces voisins oppressants, qui ne
lui laissent aucun répit et l'accusent de tous les torts. Même
lorsqu'il se fait cambrioler, son propriétaire préfère lui faire
bien comprendre, en insistant biiieeeeeeeen lourdement sur le fait
qu'il a de la chance d'avoir cet appartement, qu'ici seuls les gens
sérieux sont pris, et que Mademoiselle Choule n'aurait jamais laissé
ça arriver.
Comment ne pas comprendre qu'après toutes ces remarques, tous ces
rappels sur le fait que Simone Choule était une locataire modèle,
le pauvre Trelkovsky, qui, dans son délire psychotique (la paranoïa
est une psychose pour rappel), n'a d'autre choix que de devenir
Simone Choule ? En voulant prendre pour exemple la précédente
locataire à tout bout de champ, les voisins le pousse à devenir
comme elle au sens propre. Trevlkovsky se maquille, s'habille, se
coiffe comme elle. Il obéit à cette volonté sous-jacente de la
masse, jusqu'à en oublier sa propre identité. Mais il ne fait pas
que se travestir : son association mentale avec cette
énigmatique Simone Choule se fera jusque dans la mort. Lui aussi
sautera de la fenêtre puisque telle « est » la volonté
des voisins. Son saut se fera aux yeux de tous. La cour deviendra le
théâtre où il interprétera son dernier rôle, sa dernière
pièce : le grand saut vers l'au-delà. Tout y est, les rideaux
rouges, les dorures et ornements aux fenêtres, les voisins
regardant, avides de savoir la chute. Trevlkovsky s'élance et heurte
le sol. La fin ? Non. Plus tôt je vous parlais du fait que l'on
oscille entre la comédie et le drame. Quelques scènes déjà
permettaient de rire devant ce film horrifique (Trevlkovsky tentant de
se rebeller avec sa voix qui part dans les aïgus, la voisine qui
raconte qu'elle a déféqué partout pour se venger, Gérard Jugnot
parlant avec un accent anglais impeccable [oui parce que Popol va
jusqu'à prendre des acteurs français en personnages secondaires,
Jugnot, Balasko, Rufus, Piéplu...]...). Mais là, c'est le bouquet
final ! Trevlkovsky saute, mais ne se tue pas dans sa chute. Alors
que les voisins sont horrifiés de voir que quelqu'un tente encore de
perturber le silence de la résidence, il décide de recommencer.
Pour mettre encore plus de sang partout. « C'était mieux la
première fois,hein ? »... Cette réplique!
Comment ne pas exploser de rire ? Trevlkovsky, tente tant bien que
mal de retourner à sa chambre pour ressauter. Cette fois-ci sera la
bonne. On le retrouve alors dans la même situation que Simone
Choule au tout début du film : emplâtré, démembré. Le
malheureux se revoit alors lors de sa première rencontre avec Simone
Choule. Elle dans ce lit d'hôpital, lui à son chevet. Et tout le
génie de Popol est que, l'ultime cri du héros est le même que
celui de Simone Choule. Jusqu'au bout Trevlkovsky croira être Simone
Choule, et jusqu'au bout le spectateur pourra alimenter de multiples
thèses dans sa tête. Multiples car, en plus du complot et de la
paranoïa, la thèse de la boucle temporelle n'est pas à écarter.
Bien que celle-ci soit là surtout pour perdre le spectateur. En
effet, certaines scènes sont, comme on dit désormais, lynchiennes
(allez voir Lost Highway et Blue Velvet de Lynch pour comprendre) : la dent dans le mur qui est rejointe par la
sienne plus tard (l'a-t-il enlevée en plein délire ? Les
voisins l'ont-ils ôtée dans son sommeil ? Ou alors vit-il
éternellement cette vie qu'est celle de Simone Choule?), les
toilettes (Trevlkovsky aux toilettes se voit s'observer de sa fenêtre
d'appartement. Où est le vrai ? Qui est cette personne dans
l'appartement si ce n'est pas lui ? Est-ce le Trevloski dans les
toilettes qui est en réalité fictif ? Ou celui dans la chambre?), et là, cette ultime
situation où Trevlkovsky devient comme Simone Choule, un être
enveloppé de bandelettes, entre la vie et la mort. Et cette thèse,
n'est-elle pas aussi valable ? Le critique vous dira que non et
pourtant. Sans celle-ci, comment perdre le spectateur ? Deux
thèses ne seraient pas assez car très vite le public pourrait
éliminer une hypothèse et donc ne plus être perturbé par tous les événements. Alors qu'avec la boucle temporelle, le spectateur est
aussi perdu que le héros, l'identification n'en est que plus forte.
POUR CONCLURE (cette critique fut bien longue), Le Locataire est un
film sur la folie, mais pas que. C'est une véritable leçon de
cinéma. Tout est calculé. Les angles et mouvements de caméra, le
montage, la mise en place. C'est un film qui prend son temps, lent,
mais pas ennuyeux pour un sou car dès qu'un élément apparaît, le
spectateur est intrigué, puis la mise en place reprend, doucement.
Ce jeu s'accélère au fur et à mesure, sans devenir épileptique
pour autant. Le spectateur est de plus en plus captivé par ce qui se
déroule devant ses yeux, il se passionne, tente de comprendre, se
perd, retrouve un bout de piste, repart... Bref, pas besoin
d'explosions ou de course-poursuite comme on en voit de plus en plus
pour retenir l'attention du public : prenez un homme qui pense
que ses voisins en ont après lui et vous réalisez un des plus beaux
films de ces dernières décennies.
2 commentaires:
« Pourquoi il n'y a jamais de Marlboro mais toujours des Gauloises ? »
C'est le contraire, il commande des Gauloises bleues, et à force, finit par prendre des Marlboro, car il n'y a que ça en boutique, mais au moment où il change ses habitudes pour des Marlboro, deux types commandent l'un après l'autre des Gauloises à côté de lui, et sont servis. Sans même qu'il pense à prendre sa marque habituelle. Changement bien amené. J'ai beaucoup aimé aussi le coup de la machine à café cassée et de la complainte en falsetto de Trelkovsky.
Tout le film m'est apparu comme une plongée dans la folie, et une jolie boucle temporelle où la même personne partage deux corps, ni simultanément ni à tour de rôle. Joli coup.
Merci Cédric j'ai rectifié mon erreur!
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